Manuela BOKPAKA MOBANZE, l’association des femmes et jeunes pour le développement durable en RCA (AFJDD)

Movement Matters #18 – Manuela BOKPAKA MOBANZE, l’association des femmes et jeunes pour le développement durable en RCA (AFJDD)

Manuela BOKPAKA MOBANZE défend avec passion les droits des femmes et le développement communautaire en République centrafricaine. Sa détermination l’a amenée à fonder l’Association des Femmes et Jeunes pour le Développement Durable (AFJDD), qui se consacre à la promotion du leadership et des droits des femmes. L’histoire de Manuela reflète le pouvoir du développement communautaire et l’importance de la voix des femmes dans la construction d’un avenir meilleur pour la République centrafricaine. Article en anglais ci-dessous.

Translated abstract: Manuela BOKPAKA MOBANZE is a passionate advocate for women’s rights and community development in the Central African Republic. Her determination led her to found the Association des Femmes et Jeunes pour le Développement Durable (AFJDD), dedicated to advancing women’s leadership and rights. Manuela’s story reflects the power of community-led development and the importance of women’s voices in shaping a brighter future for the CAR. Article in English below.

Sera Bulbul : Pour commencer, pouvez-vous me parler un peu de vous, me dire comment vous en êtes arrivé là dans votre travail ?

Manuela BOKPAKA MOBANZE : Je suis une femme passionnée, ambitieuse et indépendante, une femme qui tente de faire son bon homme de chemin avec beaucoup de dévotion et fierté. J’ai dû faire face à beaucoup de combat dans ma vie, le combat de toutes les jeunes femmes en Afrique (le sexisme, le manque d’opportunité et les difficultés liées aux pesanteurs sociaux culturelles) mais qui essaie aujourd’hui d’aborder la vie avec positivité, sérénité, et de façon décomplexée. J’ai très vite compris que pour s’exprimer, être une femme indépendante et me faire respecter dans la société il fallait être autonome financièrement et émotionnellement. Je me suis lancée dans la vie associative et entrepreneuriale depuis le lycée jusqu’à ce jour.

Passionnée par l’engagement communautaire, je me suis donnée corps et âme aux études pour avoir un master en action humanitaire et développement, diplôme qui m’a permis de décrocher les postes dans les ONGs (Solidarité Internationale et Conseil Danois pour les réfugiés) et agences des nations unies (PNUD) et de fonder l’Association des Femmes et jeunes pour le Développement Durable (AFJDD). Ces différentes responsabilités m’ont permis de me former et développer le sens du leadership Féminin.

Aujourd’hui je travaille sur les questions de l’autonomisation économique et engagement civique des jeunes et femmes à travers le programme youthconnekt, je facilite les dialogues communautaires et intergénérationnelles à travers les activités mise en œuvre par son association (AFJDD) aussi j’accompagne et coach les jeunes filles pour développer leur confiance en soi et leur autonomie.

Sera : Pourriez-vous me présenter votre organisation ? Vos objectifs, votre mission

Manuela : L’AFJDD a pour mission le renforcement du leadership des femmes et pense que c’est une condition nécessaire pour parvenir à un véritable développement durable. Elle travaille également à atteindre l’égalité réelle et le respect des droits de toutes les femmes en RCA par la sensibilisation juridique, la recherche, l’intervention stratégique, le travail en collaboration et la promotion de la réforme féministe du droit.

L’organisation vise une participation aux différents réseaux spécialisés sur le sujet afin de pouvoir prendre part au partage d’expériences et s’inspirer des organisations ayant déjà entamé une telle démarche. L’AFJDD œuvre à lever tous les freins à l’épanouissement et à l’émancipation de la femme, qu’ils soient structurels, psychologiques ou sociaux culturels. L’AFJDD œuvre aussi à créer des synergies entre les femmes d’Afrique pour des actions en faveur du développement et la paix du continent, mettre en place des stratégies, des outils et des moyens permettant la visibilité des projets, la reconnaissance des actions menées par les femmes.

Sera : Qu’est-ce que c’est que d’être une organisation dirigée par des femmes en République centrafricaine ?

Manuela : En république centrafricaine, le constat est que la marginalisation, les normes sociales et des pesanteurs culturelles et religieuses crées souvent une inégalité entre les hommes et les femmes. Ces inégalités sont caractérisées principalement par un statut d’infériorité, des rapports de pouvoir inégaux et une discrimination systémique à tous les niveaux de la vie sociale, économique et politique à l’égard de l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels des femmes. Dans ce contexte, valorisé le travail d’une femme est souvent difficile.

Pour répondre à la question posée, je pourrais dire que depuis très jeunes j’éprouve le besoin de me révolter contre toute forme d’injustice et de discrimination à l’égards des femmes et des enfants. Dans mon parcours j’ai rencontré beaucoup de femme qui ont un manque de confiance en elles, et qui préfèrent se taire au lieu de se battre pour leurs droits et prendre la parole. C’est une des raisons pour laquelle, je me suis engagée très tôt dans la vie associative et pour plus tard fonder l’Association des Femmes et jeunes pour le Développement Durable, un des objectifs de cette association est de faire sortir les femmes de l’ombre et de leur donner de la visibilité.

Dirigé une organisation en tant que femme n’est pas facile de surcroît une jeune. J’ai rencontré beaucoup obstacles et de défis auquel j’ai fait face pour arriver à ce stade de nos réalisations aujourd’hui. Mais ce qui est génial dans ce que je fais c’est la confiance en soi et la passion d’aider les autres femmes à oser, le désir de mettre de la lumière sur leur action et la volonté de  les pousser à se battre pour leurs droits. Toutefois, il est à noter que notre société évolue et avec tous les mesures prises par le gouvernement et les partenaires technique et financiers, nous pouvons dire qu’il y’a une petite amélioration concernant l’autonomisation et la valorisation du travail de la femme

Sera : Parlez-moi de la situation au RCA. Je pense que les gens voudront connaître le contexte dans lequel vous travaillez et les défis à relever.

Manuela : La République centrafricaine est dotée d’un certain potentiel agricole, de ressources minérales et de vastes forêts. Pourtant, sa population reste la plus pauvre au monde et est confrontée à de nombreux défis en matière de développement humain. Le pays se trouve à l’avant-dernière position (188 sur 189) de l’indice de développement humain, avec un score de 0,5711. Outre l’insécurité chronique qui frappe le pays depuis des décennies, le développement économique et social est freiné par l’absence d’infrastructures de base, le manque d’investissements dans les secteurs productifs, et la faible capacité institutionnelle et financière de l’État de s’acquitter de ses fonctions essentielles. Le pays fait face à des risques climatiques croissants, susceptibles de saper ses perspectives de développement durable.

 L’histoire montre que les périodes qui précèdent et qui suivent les élections donnent lieu à des tensions sociales et politiques, comme en attestent les attentats violents perpétrés récemment par des groupes armés qui ont tenté de perturber la tenue des élections nationales en 2020 et 2021. Certains groupes armés, signataires de l’accord de paix, ont formé une alliance afin de faire obstacle au vote, réduisant ainsi le taux de participation malgré le déploiement rapide d’agents formés et d’équipement.

La République centrafricaine (RCA) a vécu une crise de plusieurs décennies, caractérisée par une violence sans précédent sporadique et un effondrement de l’État.

Sera : Quel est le rôle du développement piloté par la communauté dans votre travail ?

Manuela : Le développement piloté vise à l’autonomie et la prise en charge responsable des groupes et communauté dans leur volonté d’agir dans la perspective du changement social. Pour moi la participation communautaire est une dimension capitale dans la mise en œuvre de nos activités, car elle permet de prendre en compte les besoins réels et prioritaires de la communauté et de trouver ensemble les solutions les plus adéquats qui pourront servir d’un document de plaidoyer. Je pourrais illustrer cela à travers l’approche de notre émission voix des femmes centrafricaines où nous analysons ensemble avec certains leaders les problèmes qui gangrènent notre société, comme y remédier et auprès de qui pourrions-nous faire des plaidoyers. Les communication médias, l’organisation d’ateliers sur le dialogue intergénérationnel visent la mobilisation communautaire pour le changement de comportement négocié, le changement à travers une communication efficace et position communautaire de facilitation efficace.

Sera : Lorsque vous réfléchissez à votre vie et à votre travail, de quoi êtes-vous le plus fier ?

Manuela : Depuis ma tendre enfance, aux vues des crises répétées qu’a connu notre pays, j’ai toujours rêvé d’être une actrice de développement communautaire afin de contribuer à l’émergence de mon pays. C’est ainsi que, j’ai développé si tôt en moi la passion d’aider les autres et d’être à leur servir, partager nos peurs inquiétudes et trouver ensemble des solutions quand j’étais au lycée et à l’université.

Ma plus grande fierté est ma capacité de travailler à la fois sur mes projets personnels, communautaire (les activités mise en œuvre par l’AFJDD) et mon travail professionnel(  contribution a plusieurs projet de développement notamment le projet conjoint jeune mise en œuvre par les agences des nations unies, projets de résilience et relèvement socioéconomique des groupes vulnérables, le projet de cohésion sociale  à travers la facilitation de dialogue communautaire auprès des groupes armées. Ces deux activités personnel (engagement civique) et professionnelle ont permis à ce que mon rêve devienne une réalité.

Ce dont je suis fière c’est également ma participation au programme Mandela Washington Fellowship2022. Durant ce séjour, nous avons été moulé au public management. Ce programme m’a aussi permis de rencontrer certains jeunes leaders Africains avec qui nous avons partagé de nombreuses expériences.

Sera : Comment avez-vous connu le MDPC et qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre le Mouvement ?

Manuela : J’ai connu le MDPC grâce à une personne que je considère comme coach dans le domaine de l’engagement communautaire, il répond au nom de Mr Emmanuel SINGHA qui est le coordonnateur de ce programme au niveau National. Ce sont les objectifs fixés et les résultats attendues de ce programme que j’ai épousé qui m’ont motivé à rejoindre ce mouvement.

J’avais une autre vision du développement communautaire mais grâce à la vision, objectifs et approche du MCLD, j’ai modifié mon approche du travail et j’essai de renforcer le consortium avec les autres associations pour atteindre nos objectifs. Étant donné que je viens d’intégrer ce mouvement au niveau national, je reste convaincu des changements à venir car c’est une belle opportunité pour nous association nationale

Sera : Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui ne connaît pas le développement piloté par la communauté ?

Manuela : Je partagerai avec lui mes expressions vis à vis de MDPC surtout en termes de vision et objectifs du MDPC, à cela j’ajouterai qu’ils disposent des meilleures méthodologie et pratique utilisés par l’association membre pour mobiliser et donner aux communautés les moyens de prendre en charge leur propre développement.

À propos de Manuela

Manuela totalise 10 ans d’expérience professionnelle en gestion de conflit, l’égalité de sexe, la jeunesse et la paix ; en administration et finance. Elle travaille actuellement au PNUD comme Associé Exécutive du Représentant Résident et point focal Youthconnekt. Elle a contribué à la mise en œuvre de plusieurs projets aux seins du programme des nations unies pour le développement. Elle est également activiste et membres de plusieurs associations de la société civile. Elle appuie et conseille des institutions nationales, des partenaires au développement et des organisations de la société civile.

English Article

Sera Bulbul: To begin with, can you tell me a little about yourself, how you came to be in your line of work?

Manuela BOKPAKA MOBANZE: I’m a passionate, ambitious and independent woman, a woman who tries to do her own thing with great devotion and pride. I’ve had to face a lot of struggles in my life, the struggles of all young women in Africa (sexism, lack of opportunity and difficulties linked to social and cultural constraints), but today I’m trying to approach life with positivity, serenity and confidence. I quickly realized that if I wanted to express myself, be an independent woman and gain respect in society, I had to be financially and emotionally independent. I’ve been involved in associations and entrepreneurship since high school.

Passionate about community involvement, I put my heart and soul into my studies to obtain a master’s degree in humanitarian action and development, a diploma which enabled me to land positions in NGOs (Solidarité Internationale and Danish Refugee Council) and UN agencies (UNDP) and to found the Association des Femmes et Jeunes pour le Développement Durable (AFJDD). These different responsibilities have enabled me to develop a sense of feminine leadership.

Today I work on issues of economic empowerment and civic engagement of young people and women through the youthconnekt program, I facilitate community and intergenerational dialogues through activities implemented by her association (AFJDD) as well as accompany and coach young girls to develop their self-confidence and autonomy.

Sera: Could you introduce me to your organization? Your objectives, your mission

Manuela: AFJDD’s mission is to strengthen women’s leadership and believes that this is a necessary condition for achieving true sustainable development. It also works to achieve real equality and respect for the rights of all women in CAR through legal awareness, research, strategic intervention, collaborative work and the promotion of feminist law reform.

The organization aims to participate in various specialized networks on the subject, so as to be able to take part in the sharing of experiences and draw inspiration from organizations that have already embarked on such an approach. AFJDD works to remove all obstacles to women’s development and emancipation, whether structural, psychological or social and cultural. AFJDD also works to create synergies between African women to promote development and peace on the continent, and to put in place strategies, tools and resources to give visibility to projects and recognition to actions carried out by women.

Sera: What is it like to be a women-led organization in the Central African Republic?

Manuela: In the Central African Republic, marginalization, social norms and cultural and religious constraints often create inequality between men and women. These inequalities are mainly characterized by inferior status, unequal power relations and systemic discrimination at all levels of social, economic and political life with regard to all women’s economic, social and cultural rights. In this context, valuing women’s work is often difficult.

To answer your question, I could say that ever since I was very young, I’ve felt the need to rebel against all forms of injustice and discrimination against women and children. In the course of my career, I’ve met many women who lack self-confidence, and who prefer to keep quiet instead of fighting for their rights and speaking out. That’s one of the reasons why I got involved in community work very early on, and later founded the Association des Femmes et Jeunes pour le Développement Durable, one of the aims of which is to bring women out of the shadows and give them visibility.

Running an organization as a woman isn’t easy, especially when you’re young. I’ve encountered a lot of obstacles and challenges to get to where we are today. But what’s great about what I do is the self-confidence and passion to help other women dare, the desire to shed light on their actions and the will to push them to fight for their rights. However, it should be noted that our society is evolving, and with all the measures taken by the government and technical and financial partners, we can say that there has been a small improvement in the empowerment and valorization of women’s work.

Sera: Tell me about the situation in the CAR. I think people will want to know the context in which you work and the challenges you face.

Manuela: The Central African Republic is endowed with agricultural potential, mineral resources and vast forests. However, its population remains the poorest in the world and faces numerous challenges in terms of human development. The country ranks second to last (188 out of 189) on the Human Development Index, with a score of 0.5711. In addition to the chronic insecurity that has plagued the country for decades, economic and social development is hampered by the absence of basic infrastructure, lack of investment in productive sectors, and the State’s weak institutional and financial capacity to perform its essential functions. The country faces growing climatic risks, likely to undermine its prospects for sustainable development.

 History shows that the periods before and after elections give rise to social and political tensions, as evidenced by the recent violent attacks perpetrated by armed groups attempting to disrupt the holding of national elections in 2020 and 2021. Some armed groups, signatories to the peace agreement, have formed an alliance to obstruct the vote, reducing turnout despite the rapid deployment of trained agents and equipment.

The Central African Republic (CAR) has experienced a decades-long crisis, characterized by unprecedented sporadic violence and the collapse of the state.

Sera: When you reflect on your life and work, what are you most proud of?

Manuela: Ever since I was a little girl, in view of the repeated crises our country has experienced, I’ve always dreamed of being an actress in community development in order to contribute to my country’s emergence. That’s how I developed my passion for helping others so early on, sharing our fears and concerns and finding solutions together when I was in high school and university.

My greatest pride is my ability to work on both my personal and community projects (the activities implemented by AFJDD) and my professional work (contribution to several development projects, notably the joint youth project implemented by United Nations agencies, the resilience and socio-economic recovery projects for vulnerable groups, and the social cohesion project through the facilitation of community dialogue with armed groups. These two activities, personal (civic engagement) and professional, have enabled my dream to become a reality.

I’m also proud of my participation in the Mandela Washington Fellowship 2022 program. During this stay, we learned about public management. This program also enabled me to meet some young African leaders with whom we shared many experiences.

Sera: What role does community-driven development play in your work?

Manuela: Community-driven development aims to empower groups and communities in their desire to act for social change. For me, community participation is a crucial dimension in the implementation of our activities, as it enables us to take into account the real and priority needs of the community and to find together the most appropriate solutions that can serve as an advocacy document. I could illustrate this through the approach of our program “voix des femmes centrafricaines”, where we analyze together with certain leaders the problems that plague our society, how to remedy them and to whom we could make representations. Media communication and the organization of workshops on intergenerational dialogue are aimed at community mobilization for negotiated behavior change, change through effective communication and effective community facilitation.

Sera: How did you hear about the MDPC and what prompted you to join the Movement?

Manuela: I came to know the MDPC through a person I consider to be a coach in the field of community involvement. His name is Mr Emmanuel SINGHA, who is the coordinator of this program at national level. It was the objectives and expected results of this program that motivated me to join this movement.

I had a different vision of community development, but thanks to the MCLD’s vision, objectives and approach, I’ve modified my approach to work and I’m trying to strengthen the consortium with other associations to achieve our objectives. Having just joined this movement at national level, I remain convinced of the changes to come, as this is a great opportunity for us as a national association.

Sera: What advice would you give to someone new to community-led development?

Manuela: I would share with him my expressions vis à vis MDPC especially in terms of MDPC’s vision and objectives, to which I would add that they have the best methodology and practice used by the member association to mobilize and empower communities to take charge of their own development.

About Manuela

Manuela has 10 years’ professional experience in conflict management, gender, youth and peace; administration and finance. She currently works for the UNDP as Executive Associate to the Resident Representative and Youthconnekt focal point. She has contributed to the implementation of several projects within the United Nations Development Program. She is also an activist and member of several civil society associations. She supports and advises national institutions, development partners and civil society organizations.